La torche et l'épée

Etude en vue d'un futur ouvrage analysant la pièce "Le Roi en Jaune"

par G. Matherson


Disclaimer de Lamed: L'histoire de l'occultisme est peuplée de personnages tenant secrètes leurs théories, généralement pour se donner de l'importance, et d'autres s'acharnant à les dévouvrir et les révéler, souvent également dans un but de promotion personnelle. Ce mouvement perpétuel constitue un des aspects les plus insolites et amusant de l'histoire des mouvements ésotériques. Matherson a été en partie créé en hommage à ses acteurs. Tout ceci a cependant une autre conséquence: entre les dates ou une théorie est apparue et celle ou elle a été dévoilée, il est souvent très difficile de déterminer à quel moment l'une d'entre elle a pu être disponible pour Matherson, en particulier lorsque leur origine se trouve dans un pays ou notre ami n'a pas eu l'occasion d'infiltrer d'organisation occulte. Ceci, ainsi que ma culture et mes recherches basées principalement sur des documents publiés après la date de notre partie, est à l'origine de nombreux anachronismes dans ce document. On notera l'utilisation d'un jeu de Tarot peint entre 1938 et 1943 pour n'être publié qu'en 1969 et un emprunt à une théorie de C.G. Jung dont il est peu probable qu'elle fut alors publiée, pour ne citer que ceux dont j'ai conscience. La rédaction d'un document de Matherson historiquement plausible demande un travail de recherche impossible sur mon temps de jeu vidéo, sur lequel est pris mon temps dédié au RPG papier.


Afin de chercher dans la culture occulte des liens nous menant vers une meilleurs compréhension des attributs du Roi en Jaune, je tenterais ici de mener une étude exhaustive de l'apparition des symboles qui l'entourent dans la litérature. Nous oublierons dans un premier temps le fait que la torche est éteinte et n'émet que de la fumée, symbole à priori inconnu jusqu'alors, pour nous concentrer sur des aspects plus familiers.


Dans un premier temps, je mi livrerais à un récapitulatif détaillé des attributions de l'épée dans l'occultisme classique, dont elle est un des symboles de base, à la recherche de tout rapport avec un des autres symboles (torche, robe jaune ou déchirée, etc). J'énumèrerais ensuite les apparitions, rares, des plusieurs de ces symboles ensemble dans la culture occulte. Je me livrerais par la suite à quelques spéculations sur le fait que la torche soit éteinte et fumante, avant de chercher à conclure sur les pistes à poursuivre. Ces dernières, je l'éspère, me permettrons à partir de la litérature occulte classique, de rechercher quelques éléments pointant en direction des ouvrages impie qu'il pourrait nous être utile de rechercher.


  1. Les attribtions de l'épée


L'épée est un symbole fondamental de l'hermétisme occidental, étant à la fois l'une des quatre suites du tarot et une des quatres armes du mage. En tant qu'objet, l'épée ou la dague représente l'intellect du mage, avec lequel il tranche avec discernement entre le vrais et le faux, ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, ce qui relève du Plus Haut ou du fond des enfers. L'épée est également attribuée à l'élément de l'Air, qui est par conséquent invoqué et banni à la pointe de sa lame.


Par ailleurs, le mot hébreux pour l'épée est Zaïn, qui désigne également la lettre du même nom. La valeur numérique de cette lettre est 7. Elle est attribué au chemin de l'Arbre de Vie reliant Binah (3) à Tipharet (6), qui porte le numéro 17. Ce chemin est attribué dans le tarot à l'attout porutant le nombre VI, nommé "l'Amoureux" ou "les Amoureux" selon les jeux. Cette carte a pour attribution le signe du gémeau (air mutable). Toujours dans la tarot, la suite des épées est pour sa part attribuée à l'élément de l'air, à Yetzirah (le monde de la formation, qui regroupe les Sephiroth 4 à 9). La carte du prince, dans chaque suite, représente enfin l'aspect aérien de la suite (le prince des bâtons représentant par exemple l'aspect aérien du feu), reliant chaque suite au symbole de l'épée.





Aucun prince des quatres suites du tarot ne nous conduit vers une torche ou un manteau en lambeaux. La couleur jaune est certes parfois présente, mais sans autre coïncidence, elle ne nous est que de peu d'utilité. Le sixième atout, pour sa part, est d'un intérêt particulier dans nos recherches. Il est directement associé au symbole de l'épée par la lettre Zaïn, et son imagerie est troublante dans notre contexte. La couleur jaune y est présente sur la palette de l'empereur, dont la 17ème couleur est dénommée "new yellow leather" dans la terminologie actuelle (empruntée à un producteur de pigments de la fin du siècle dernier).







Sans entrer dans le détail de la symbolique de cette carte (on pourra se référer à ce sujet au célèbres "Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz", ouvrage qui réprésente une inspiration majeure de la version moderne de cette carte, et via lequel y a été réinjecté de nombreux anciens symboles ésotériques), on notera d'entrée que le thème général est celui du mariage alchimique, qui se trouve au centre de plusieurs doctrines magiques, et qui est mentionné sous une forme ou une autre dans chacune des versions de la pièce en notre possession. Le prince y porte un manteau jaune. Sa peau est de couleur noire (voir traduction numéro 2: "Un homme au teint d'ébène Devant l'autel m'amène "). L'idée de la procréation est d'hors et déjà présente sur la carte (les enfants mais aussi et surtout le lion, l'aigle et l'oeuf). Elle représente en fait l'essence même de ce mariange dans la doctrine alchimique traditionnelle. Se pourrait-il que cette imagerie contienne quelques restes de la symbolique des terribles rituels de reproduction du Roi en Jaune? Il semble qu'une relecture de l'ensemble des ouvrages portant sur ce sujet s'impose. Peut-être révèlera-t-elle quelque indice qui m'aurait jusque là échappé, n'ayant point connaissance de l'ouvrage que nous avons vu jouer sur scène.


  1. Concordance des symboles


Si les épées nous ont mené vers un indice qui pourrait être d'importance, aucune torche n'est pour l'instant apparu dans nos recherches. Le feu est certes un élément magique et alchimique d'importance, mais ses représentations habituelles sont le bâton ou la lance. Ces objets, de forme phalique, sont plus à même de représenter le feu intérieur du mage, de même que celui de la volonté divine. Le symbole de la torche a donc nécessairement un sens plus complexe, ce qui rend nos recherches plus difficiles. Afin de limiter le champ de ceux-ci, il est prudent de se limiter au terrain proche des occurences d'un autre des symboles qui nous intéressent.


La torche et l'épée évoquent dans l'imaginaire commun une imagerie guerrière. Cependant, si Arès/Mars est parfois représenté portant une torche, l'épée ne fait pas partie de ses attributs. Ce serait une erreur d'associer la lance que porte ces dieux, qui comme nous l'avons vu plus haut est un symbole solaire associé au feu, et l'épée dont nous avons étudié la symbolique dans la section précédente. En fait, le feu et l'air sont associés à deux étapes tellement éloignées de la manifestation divine qu'ils sont rarement vus ensemble. Une occurence intéressante reste la carte du Mage, dans certains des jeux de tarot présentant le symbolisme occulte le plus poussé.


L'imagerie habituelle de la carte, communément nommée "le bateleur" ou "le magicien", est celle d'un personnage devant lequel sont disposé les quatres armes rituelles du magicien: le bâton (feu), la coupe (eau), la dague ou l'épée (air) et le disque ou les pièces (terre). Le symbolisme n'est pas seulement celui du mage humain qui influe sur la réalité, mais également celle du grand mage (Hermès/Thoth/Mercure) qui transmet la parole du Plus Haut. La manifestation impliquant le mensonge, c'est lui qui jette sur le mode des archétypes le voile de l'illusion et donne naissance à la réalité telle que nous la connaissons. Il est pour le mage à la fois l'archétype qu'il cherche à incarner, et l'ennemi absolu qu'il doit défaire pour accéder aux plus hautes sphères de conscience. La carte est bien entendu attribuée à la planète Mercure.


Cette version de la carte comporte les quatres outils habituels du mage: avec le bâton il créé, avec la coupe il préserve, avec l'épée il détruit et avec le disque il rachète. Ces attributs sont ici complétés de plusieurs éléments renforçant le puissance du symbole ésotérique et alchimique de la carte. Le papyrus et la plume sont des attributs de Thoth, le scribe des dieux égyptiens, associé communément à Hermès. L'oeuf ailé représente la manifestation divine en gestation. Ce même oeuf apparait sur la carte des Amoureux sous une forme légèrement différente. Sur cette dernière, l'oeuf ne porte plus d'ailes et est entouré d'un serpent. Il ne symbolise non plus la gestation de la volonté divine mais de celle du mage, qui ne pourra éclore que dans le marriage représenté sur la carte.



Sur la gauche, au dessus du disque, on peut enfin voir une torche, symbole relativement inhabituel dans ce contexte. Elle représente la Lumen Naturae, la lumière de la nature, qui joue dans la compréhension alchimique de l'Univers un rôle semblable à celui de Thoth/Hermès/Mercure. Cette lumière représente l'apparition des lois qui gouvernent notre monde lors de la manifestation. De même que la manifestation du Logos, parole divine et vérité absolue, implique le mensonge et l'illusion, l'absolu infini du monde divin doit être restreint par les lois de la physique pour que la manifestation de la matière soit possible. Cette même Lument Naturae apparait à l'alchimiste dans ses rêves et ses visions, lui permettant petit à petit de comprendre les lois de l'univers pour un jour les transcender. La compréhension absolue de ces lois représente la découverte de la pierre philosophale et non pas la vie éternelle, mais la vie en dehors du temps, ce dernier n'étant qu'une des lois illusoires de la manifestation du divin.


Cette carte est attribuée sur l'arbre de vie au chemin numéro 12, qui relie Kether (1) Binah (3). A ce stade de la création, la notion d'opposition entre une chose et son contraire n'est pas formulée. Ce n'est qu'en traversant l'Abysse qui sépare le monde archétypal du monde de la manifestation que la Lumière de la Nature portée par Hermès pourra s'exprimer. L'abysse se trouve, sur le diagramme de l'Arbre de Vie, entre les trois premiers Sephiroth et le reste de l'arbre. Il est traversé par les chemins 13, 15, 16, 17 et 18. Hors, le 18ème chemin a été l'objet de notre attention dans la section précédente. La carte représentant le marriage que nous avons relié à la symbolique de la pièce du Roi en Jaune est donc associée à un des chemins par lequel s'exprime la Lumen Naturae. La symbolique du marriage, cependant, représente le chemin inverse, de Tipharet vers Binah, de la manifestation vers l'idéel et de la lumière (LUX, là ou la Lumen Naturae est présente et donne vie au grand dieu Pan) vers la nuit (NOX, la nuit de Pan, ou l'adepte entre nu après sa traversée de l'abysse et ou il étudiera les mystères de la tristesse). Une des conditions de ce voyage est représentée en haut de la carte des amoureux par la présence d'Eve et Lilith, la vertu et le pêché. Il s'agit de la transcendance de la notion de contraire et d'opposition qui est à la base du monde organisé par la Lumen Naturae: pour atteindre Binah sans tomber, l'adepte doit tenir Eve par une main et Lilith par l'autre, et ne vexer aucune des deux.





  1. La torche éteinte


Il est commun de retrouver dans le monde ésotérique le symbole de la torche allumée. Cependant, le torche éteinte mais fumante n'est à ma connaissance jamais rencontrée. Je ne peux que supposer que celà implique une certaine forme d'inversion du symbole: la torche fumante vient d'être éteinte, impliquant que la Lumen Naturae a été transcendée, le marriage consommé et l'adepte réabsorbé par Binah. Le résultat de cette union, dans l'hermétisme traditionnel, n'est pas l'adepte lui même, mais une version rafinée de lui même, transformée par son marriage avec l'absolu. Hors, dans la pièce du Roi en Jaune, c'est bel et bien à lui même que le Roi doit donner naissance, impliquant par là une violation des règles de l'univers.


Car si le voyage de Tiphareth vers Binah, de LUX vers NOX, implique une transcendance des règles naturelles, la progéniture du marriage alchimique verra le jour en Yetzirah, le monde de la manifestation, et sera la nouvelle personnalité de l'adepte. Née d'un père et d'une mère, elle ne pourra être identique ni à l'un, ni à l'autre. Traverser les chemins sur lesquels sont écrites les lois de la nature demande dans un sens de les transcender, dans l'autre de s'y confirmer. Celui qui effectue ce voyage sans en être affecté n'appartient ni à un monde, ni à l'autre, et transcende des règles qui ne devraient pas pouvoir l'être. Si un tel être existe, la loi naturelle n'a plus court. Voici qui donne un sens bien plus inquiétant à la torche éteinte: quelque chose existe en dehors des lois de la nature, qui peut descendre sur terre et marcher parmis nous.



  1. Déductions et suppositions


Quelques uns des éléments principaux de la pièce du Roi en Jaune trouvent un écho dans une certaine partie du symbolisme hérmétique occidental. Ces correspondances concernent le mariage alchimique, la traversée de l'abysse, la manigestation du Logos et la Lumen Naturae. Si mes suppositions sont exactes, ce symbolisme est lui même un lointain écho d'un savoir plus ancien et plus sinitre. Si quelque chose ou quelqu'un peut voyager à son gré entre les plans d'existence du Logos et de la manifestation, il n'est pas étonnant que nos ancètres aient choisi de nier son existence et d'ériger des règles arbitraires qui nous empêcheraient de nous rappeler de lui. S'il est manifeste, alors il possède une âme et est capable d'envie, d'égoïsme et de cruauté. S'il peut traverser l'abysse et renaitre sans en être affecté, alors il est immortel, au sens le plus concret du terme, et est susceptible de posséder des pouvoirs dont nous ne saurions définir les limites: s'ils ignore les lois les plus élémentaires de la manifestation, quelles autres lois peut-il encore ignorer?


Souvent dans les ouvrages les plus anciens traitant de sujet occultes, on peut parfois trouver des allusions voilées à certains ouvrage mythiques qui renfermeraient un savoir caché. Nous avons malheureusement aujourd'hui de bonnes raisons de penser que ces livres existent réellement et que ce qu'ils renferment est terriblement dangereux. Nous savons également que leur consultation est cependant inévitable si nous voulons lutter contre ce qu'ils renferment. J'èspère, en organisant mes recherches autour des thèmes dégagés ici, mettre la main sur quelque mention d'un de ces ouvrages qui me permettrait d'éclairer les relations entre Nyarlathothep (le modèle impie d'Hermès/Thoth/Mercure?), l'étranger (un avatar de ce dernier?), Hastur (?) et le Roi en Jaune (Est-il l'étranger? Est-il Hastur? Est-il tout autre chose?). Dans la compréhension de la nature de ce dernier réside notre meilleure arme, et j'ai la conviction qu'il représente l'horrible archétype qui est à l'origine du prince tel que nous le connaissons dans le mariage alchimique.